mardi 13 mai 2014

Trois jours


Ce matin, j'ai pu me faire du café. Plus exactement an Arabic Coffee.

Dans mon logis il y a : Internet (par wifi), une douche avec de l'eau chaude (qui coule trèèèèès lentement), une loggia, un canapé, un lit, un lavabo, un évier, des toilettes et une plaque de cuisson rouillée avec de la peinture dessus (imaginez l'odeur quand je l'allume) et seulement la plaque de gauche fonctionne, les numéros sont effacés, c'est une véritable aventure pour trouver la bonne position. Mais j'ai trouvé la technique, oui je suis débrouillard. Presqu'autant qu'un Palestinien. J'ai allumé la lumière du couloir et lorsque celle-ci est devenue faible j'en ai conclu que ma plaque avait atteint sa puissance maximale. Et ça a marché. Oui je suis très motivé quand il s'agit du café du matin.

Je n'ai pas de frigo et quasiment aucune vaisselle. Je mange dehors. Je n'ai pas le choix.

Mon quotidien n'a pas plus d'intérêt que ça. Sauf quand l'on commence à comprendre ce qu'est un camp de réfugiés.

Je ne vais pas me plaindre, dans deux semaines je retrouverai mon Mac, mon internet très haut-débit, ma douche confortable, ma vaisselle ....

Dans deux semaines Aïda Camp continuera à vivre avec une électricité faible, un débit d'eau dérisoire et avec un internet dont aucun Français citadin ne voudrait.

Ici c'est un peu comme une favela. Les gens qui vivent ici on simplement "consolidé" le camp de tentes de 1948. Ils ont été forcés de s'installer dans les territoires qu'ils leur ont été assignés à l'époque. Ils se sont depuis organisés, ils ont été pris en charge par l'o.n.u. De nos jours c'est l'unrwad (une agence de l'o.n.u) qui continue à garantir l'eau, l'électricité, le ramassage des ordures et l'école.

Les personnes qui habitent dans ce camps, sont de condition modeste, ils n'ont pas eu les moyens financiers de partir. La plupart ont conservé les clés de leurs maison familiales prises par les Israéliens. Le traumatisme reste très vif. On trouve un peu partout dans le camp, le nom de leurs villages d'origine. Quasiment tous disparus depuis ou totalement transformés par les Israéliens.
Le mot d'ordre visible à de nombreux endroits est : We will return. 


Cette affiche, visible à l'entrée du camp annonce la commémoration de la Nakba. En Arabe, ça veut dire Catastrophe. C'est le nom que les Palestiniens on donné à la création de l'état d'Israël le 14 mai 1948.
Ca fera 66 ans demain ... Ce nom n'est pas sans rappeler un autre mot. La Shoah.


En ce moment le camp est en effervescence. La commémoration se prépare, les enfants jouent ils sont heureux, les journées sont différentes.





Ils faisait chaud aujourd'hui et l'ambiance électrique du camp on donné une couleur particulière à cette journée. 

J'ai retrouvé Amira. Ca faisait deux ans. C'est une jeune femme musulmane (25 ans), libre, indocile, intelligente et non voilée. Elle a fait des études, elle a son bureau à Al Rowwad. Elle voyage beaucoup. Hier elle arrivait du Sri Lanka. Je n'ai pas de photos d'elle. Je réserve cela à mon projet, je la prend en photo avec mon appareil argentique et je vais parler d'elle plus amplement plus tard.

Grâce à elle, je comprends mieux la complexité du port du hijab (le voile islamique de base). Aujourd'hui j'ai passé du temps en compagnie de jeunes musulmanes. J'ai été dans la partie d'Al Rowwad réservée aux femmes. Il y avait cinq femmes dans le bureau où nous discussions, 2 voilées, les autres non. Nous rigolions souvent, tout était normal, autant ma présence ici que les choix vestimentaires de chacun.
Je me rappelle de souvenir durs, il y a deux ans, quand Amira se faisait insulter dans la rue par un homme qui lui reprochait sa liberté. Derrière cela se cachait une haine pour sa famille. Elle a du courage de rester fidèle à elle-même, mais son père qui la soutient aussi. Car un homme qui accepte des femmes non voilées dans sa famille est considéré comme faible et soumis à "ses femmes" (filles, épouse, sœurs ...). Il faut aussi du cran et de l'aplomb à un homme pour résister à la pression.

Aujourd'hui j'ai retrouvé également Narreman et Manar (18 ans). J'ai fait un atelier photo il y a deux ans avec elles et nous sommes restés en contact. Les retrouvailles étaient joyeuse et chaleureuses.

Nous avons décidé d'aller (probablement à Ramallah) passer une journée ensembles à faire des photos. La semaine prochaine. Amira viendra avec nous.
Je voulais aller à Jérusalem, mais c'est impossible. Aucune des trois (toutes Palestiniennes de Cisjordanie) n'ont le droit d'y aller. Régime d'apartheid oblige.


Sur cette photo (un détail de l'affiche plus haut pour la Nakba), on aperçois le territoire morcelé à l'intérieur de la Cisjordanie auquel les Palestiniens ont accès. C'est les seuls endroits où ils peuvent circuler "librement". Tout le reste est sous l'autorité directe d’Israël. Le petit ilot vers la droite c'est Jéricho, en dessous il y a la Mer Morte. Le gros "trou" vers le milieu, c'est Jérusalem. Juste en dessous Bethléem. Et au dessus Ramallah (la capitale).

Mais ce n'est pas grave, la bonne humeur Palestinienne l'emporte.

Ce soir en entrant chez moi, j'ai ressenti la même tristesse qu'en arrivant. 
Moi je ne suis pas Palestinien.

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